La Semaine Sainte 2023 en Andalousie
Il n'y a pas les chaleurs de l'été, les orangers sont en fleurs dans toutes les rues et les Andalous de tous les âges, bien mis, se massent sur les trottoirs en admirant les processions.
Bienvenue en Andalousie au meilleur moment de l'année, pendant la Semaine sainte.
Entre Séville, Malaga et Cordoue, le cœur de la région bat autrement, dans un décor baroque où le talent des habitants pour se rassembler s'allie à une foi spectaculaire.
Si impressionnante qu'elle aurait inspiré le cinéaste Patrice Chéreau pour La Reine Margot. Mais la procession de la Semaine sainte à Séville, c'est aussi des heures d'attente debout avec, en montant sur la pointe des pieds, une petite chance d'apercevoir le sommet pointu de la cagoule d'un nazareno, un pénitent. Entre Séville, Cordoue, et Malaga, plusieurs communes se sont unies pour proposer leurs « Chemins de la Passion ». Villes blanches avec place du marché, des traces de l'occupation mauresque, quelques palmiers, des orangers en fleurs et … des processions à taille humaine.
Visiter Séville pendant la semaine sainte 2023
A 30 minutes de route de Séville, Carmona a installé son marché (six matins par semaines) dans un ancien couvent : petit déjeuner dans la cour entre deux achats, il y a des churros à emporter. Située sur une colline près du Guadalquivir, son château du XIIe siècle permet d'admirer la ville blanche et les terres verdoyantes – oui verdoyantes, il y a un autre fleuve souterrain. Depuis l'époque romaine, l'Andalousie cultive les oliviers, la vigne et les céréales. N'hésitez pas à goûter l'huile de Priego de Cordoba, plusieurs fois primée.
Sur la route de Malaga, Osuna, 18 000 habitants, vaut le détour en journée pour visiter le couvent (des nonnes y vivent encore) et surtout la collégiale. Contre 3€ une dame très digne et fière de l'endroit, vous montrera les tableaux de Ribera, les sculptures de Juan de Mesa, la crypte et le style plateresque (fin comme de l'argent). La procession de nuit, le jeudi, est saisissante, notamment grâce à la musique de la fanfare.
En Andalousie, toutes les processions de la Semaine sainte (entre le vendredi précédant les Rameaux et celui de Pâques) sont organisées par les confréries. Ce sont des associations de laïcs dont les plus anciennes remontent au Moyen-Age. Les processions sont liées à la Contre-Réforme, cette réaction de Rome au protestantisme : il s'agissait de sortir les statues de l'église et d'oser faire pénitence à l'air libre, d'où ces longues cagoules pointues, inspirées de l'Inquisition. Ce sont plutôt des hommes, notamment au moment de porter les statues, acte aussi sportif que religieux.
Appartenir à une confrérie est répandu mais plus ou moins pris au sérieux selon les villes. A Puente Genil, 30 000 habitants, ancienne ville industrielle au sud de Cordoue, la cotisation annuelle peut s'élever à 600€ car les confréries louent leurs propres maisons. Beaucoup sont situées dans la calle (rue) Adriana-Morales. Au rez-de-chaussée de la maison de la confrérie La Sentencia de Jesus, de grandes tables accueillent les repas des membres – tous des hommes. A l'étage, les masques et costumes qu'ils vont porter le jour de la procession : L'Espérance (une femme en vert), la Foi, la Charité... Ils s'entraînent aussi pour la Saeta, ce chant déchirant qui rappelle le flamenco et parle de Dieu, de pardon, d'espoir.
Il y a plus de femmes à Cabra, certaines défilent couvertes de noir et de dentelle (les mantilles). Comme Priego de Cordoba, la ville de 20 000 habitants borde la parc naturel des Sierras (montagnes) Subbeticas. L'Andalousie a transformé plusieurs anciennes lignes de chemin de fer en voies vertes et un circuit de 57,3 km existe au départ de Cabra, devenue destination prisée des cyclotouristes. Habitée dès le paléolithique, évêché du temps des Visigoths, cette ville propose une jolie balade dans les ruelles pavées de galets jusqu'à l'église. Mais aussi un étrange musée du Saint-Suaire résumant les recherches sur le mythique linceul de Jésus.
La voie verte permet de rejoindre Lucena, 40 000 habitants, « la perle des Séfarades ». Beaucoup d'art baroque. Arrêtez-vous au bar du Casino, avec au centre du patio une fontaine aux azulejos (carrelages bleus), puis partez à la découverte des « crypto-juifs », ces faux convertis au christianisme qui, pour donner le change, on fait de fastueuses dépenses en termes d'architecture, comme dans la calle San Pedro. L'église Santiago, construite avec les pierres de la synagogue, comporte une statue de Jésus portée lors des processions ; fabriquée par Pedro Roldan del Valle, membre de l'école sévillane du baroque, elle est une des rares à montrer un Christ en colère. Contrastant avec les autres sculptures portées à dos d'homme, aussi naïves que le culte qui leur est fait ; mais peu de voyageurs y restent complètement insensibles.